J’ai découvert le Liban au cours d’un printemps radieux. C’est dans un cadre professionnel, pour partie, que j’ai pu profiter de ce périple de quatre jours en rencontrant des instances culturelles au cours de visites et de soirées plus intéressantes les unes que les autres.
J’ai résidé à Beyrouth dans le centre élégamment reconstruit après la guerre, un centre résolument moderne qui ne renie pas l’utilisation des matériaux traditionnels dont ce calcaire à la couleur si chaude et le cèdre odorant. Les minarets des mosquées rivalisent de hauteur avec les clochers des églises en une heureuse cohabitation visuelle. Ils sont les marques les plus visibles de ce qu’est le peuple libanais ; une mosaïque de religions les divise mais curieusement semble les rassembler dans l’inquiétude de nouveaux conflits.
Quasiment à mon arrivée, j’ai senti combien cette population très ouverte sur le monde se montre chaleureuse, amicale et accueillante. Dîner chez des Libanais est un authentique bonheur ! Leur cuisine appréciée dans le monde entier est un peu le reflet de ce qu’a été l’Empire ottoman, un mélange de ce que l’on peut manger en Europe du Sud-Est, en Russie et au Moyen-Orient. Recevoir et sortir n’est pas réservé aux week-ends et j’ai eu un peu le sentiment que faire la fête est pour eux une sorte d’urgence avant des lendemains incertains.
Six millions de Libanais peuplent le pays ainsi que deux millions d’immigrés mais une diaspora de quatre millions de personnes de la dernière génération enrichit l’âme libanaise en la liant aux autres nations. J’ai profondément ressenti à Beyrouth cette impression de me situer à « une des portes battantes » du monde.
Le mandat français de la société des nations sur le pays a laissé des traces très profondes dans la société libanaise et la relation est toujours étroite entre nos deux pays. Les échanges culturels sont très riches et les manifestations ont souvent lieux dans des bâtiments anciens superbement restaurés.
Sans avoir assez de ce temps libre pour profiter du rivage méditerranéen ou de tous les musées j’ai voulu néanmoins visiter le Musée Sursock qui abrite un ensemble d’art moderne dans une muséographie aussi impeccable qu’intelligente. Il mérite le détour, installé dans un hôtel particulier du début du XIXème siècle et dans un joli quartier de Beyrouth. Les collections sont concentrées sur l’art libanais et sont du plus haut niveau de qualité. Nous avons partagé un café ce jour-là avec des amis et la conservatrice de l’institution sur la terrasse de la brasserie du musée, au soleil et au plus joli point de vue. Un bon moment !
Une journée restait avant de reprendre l’avion de retour et j’ai souhaité arpenter les ruines romaines de Baalbek situées à l’Est du pays, atteintes après avoir traversé les montagnes du Liban et la vallée de la Bekaa en taxi. Il s’agit d’un ensemble de temples considéré comme le plus important du bassin méditerranéen en termes de dimensions. Les Romains l’ont construit en deux siècles sur la décision de l’empereur Auguste pour marquer l’emprise de Rome sur la région.
L’ensemble est pour le moins impressionnant, d’autant que la vue sur les montagnes encore enneigées à cette saison participe de la poésie qui se dégage des lieux. Le temple dédié à Bachus construit là aussi dans une pierre mordorée est probablement le plus beau, le mieux conservé et spectaculairement dimensionné. Sur le côté gauche une des colonnes imposantes s’est inclinée jusqu’à s’appuyer en son faitage sur le mur, révélant sa fragilité et l’incertitude de son avenir. J’ai voulu y voir là le destin de ce pays tellement séduisant.